La Négation de l'Homme dans l'Univers Concentrationnaire Nazi

La Négation de l'Homme dans l'Univers Concentrationnaire Nazi

Les camps de concentration

-Les camps de concentration, présent depuis 1933 en Allemagne; étaient avant tout des camps où ont été enfermé des Allemands antinazis, des Juifs , des prisonniers de droit commun… Ces individus étaient jugés dangereux et étaient internés provisoirement ou définitivement. Entre 1939 et 1945 le nombre de détenus à considérablement augmenté, on y trouvait à présent de tout: des déportés politiques, des prisonniers de droit commun, des homosexuels, des témoins de Jéhovah… C’étaient des camps de travaux forcés, les terribles conditions d’existence leurs ont valu le nom de “camps de la mort lente”. Les principaux sont : Dachau, Buchenwald, Sachsenausen, Ravensbrück, Mauthausen-Gusen, Stutthof, Neuengamme, Dora - Nordhausen, Flossenburg, Grossrosen, Theresienstadt, Bergen - Belsen, Natzweiler-Struthof.

 

Dans les camps de concentration, il y avait plusieurs catégories de détenus. On reconnaissait la catégorie du détenu à la couleur du triangle cousu sur sa veste (la nationalité de l’individu y était également affichée):

 

 

Catéogrie des détenus.gif

 



Politiques: C’étaient avant 1939 des opposants Allemands au régime nazi, principalement communistes, puis des résistants de toute l’Europe.

 

Asociaux: Était classé comme asocial tout individu “manifestant par son comportement sa volonté de ne pas s’intégrer dans la communauté“.

 

Apatrides: Ce sont des individus déchus de leur nationalité. (Notamment certains républicains espagnols déchus par Franco).

 

Une ordonnance du 7 Décembre 1941 va encore faire croître le nombre de détenus. Il s’agit de l’ordonnance “Natcht und Nebel” (Nuit et Brouillard) qui crée le système NN. Ce système avait pour but de faire disparaître les résistants trop gênants, sans qu’ils soient jugés. Un moyen rapide et efficace qui en a fait disparaître plus d’un.

 

Les statistiques:

 

-On estime qu' entre septembre 1939 et janvier 1945, 1 650 000 personnes, principalement des hommes mais aussi des femmes et des adolescents, ont été déportés. On ne peut pas trouver le nombre exact, certaines archives des camps de concentration ont été détruites à la fin de la guerre.


-On estime également le nombre de morts à 550 000, soit le tiers environ. Il est fort de constater que le taux de mortalité varie en fonction de la catégorie du détenu. Il est plus élevé chez les politiques (soit les résistants) et atteint les 60% pour les homosexuels.

 

 

Le processus de déshumanisation 

 

 

-Le déshabillage : A son arrivée le détenu était déshabillé et humilié , il perdait également tout ses effets personnels .

 

-La douche :  Cette douche n'avait pour aucun but de laver les déportés . Toujours nus , ils se lavaient sous une eau glaciale, puis brûlante . Ils sortaient ensuite de la douche sans pouvoir se sécher ni boire . 

 

-La tonte : L'humiliation ne devient que plus grande lorsque les déportés sont rasés de la tête aux pieds , aussi bien les hommes que les femmes . Le travail est effectué sans aucun soin, ni délicatesse et la tondeuse blesse leurs chairs . 

On effectuait parfois "la désinfection au crésyl" . On les badigeonnait d'une matière noire censée tuer les microbes et prévenir les maladies . Ce crésyl avait pour effet d'irriter et de brûler la peau et infectait également les plaies . 

Il peut y avoir aussi un « examen », sorte de fouille dissimulée sous le prétexte médical. Les déportés sont alors manipulés en tout points, la moindre partie de leur corps est inspectée, ils sont touchés dans leur intimité . 

 

-L'uniforme : Les déportés reçoivent ensuite un uniforme composé d'une chemise , d'un pantalon , d'un calot et des galoches . Ils n'avaient pas de sous-vêtements ni de quoi se protéger du froid . Ils portaient tous la même tenue et la taille importe peu . Les nazis jetaient littéralement les uniformes à la figure des déportés . Il était interdit d'apporter toute modification à la tenue afin qu'elle soit plus confortable . 

 

-L'enregistrement :  Les déportés sont ensuite immatriculés . Le détenu perdait son identité , on la remplaçait par un numéro qu'on cousait sur l'uniforme ou qu'on tatouait même sur la peau des détenus à Auschwitz . 

 

- La quarantaine. Par la suite, les déportés sont placés en quarantaine, officiellement pour limiter le risque de maladies amenées par les nouveaux arrivants, en réalité pour dresser les déportés. Pendant un temps variable, toujours plusieurs semaines, ces déportés ne travaillent pas, sauf pour quelques corvées .  Ils ne sont quasiment pas nourris. Immédiatement, la promiscuité, la terreur, les coups quotidiens font des victimes, chaque jour. C’est là que les déportés « découvrent » l’absence d’hygiène, l’arbitraire permanent, qui deviennent leur quotidien. Quand ce dressage est considéré comme fini, les déportés reçoivent leur affectation à un kommando* de travail.

 

A noté que selon les camps et les circonstances , l'ordre de ces étapes peut varier . 

 

Ces étapes ne sont que le début . Durant le reste de leur captivité dans les camps de concentration , les détenus vont subir une violence quotidienne et cruelle . Ils ne deviendront plus que des objets et des machines , travaillant sans s'arrêter et subissant les pulsations meurtrières de certains individus . 

 

S'ajoute ensuite à tout ça les conditions de vie déplorables : famine , fatigue permanente , l'absence des soins et de l'hygiène . 

 

Exemple : Le poids moyen des femmes françaises à la libération du camp de Ravensbrück était de 34 kilos . 

 

Un peu de Vocabulaire

 

 

 *Kommando : Ce sont des camps qui dépendent d’un camp principal, et qui sont construits en fonction des besoins économiques ou industriels. C’est là que les déportés, après leur arrivée dans le camp principal, sont affectés au travail dans des usines en fonction des besoins exprimés par les industriels allemands.

 

La schlague : Le fouet utilisé par les Kapos.

 

 

 

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Le Lageraltester :  Le doyen du camp. Il dirige l’administration détenue, sous l’autorité des SS.

 

Kapos : Détenus de droits communs Allemands

 

 

 

Quelques photos :                                                                                                                                                                                                                                                  

 

 

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                                      Détenus attelés 

 

 

 

 

 

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                                       Atelier au camp de Ravensbrück

 

                                                                                       

 

 

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                                               Détenus de Bremen-Farge 

 

 

 

Témoignages : 

 

 

« COMPRIS ? »

 

Nous étions bien alignés avec nos gamelles à la main, mais, avant de passer à la distribution, nous devions subir un discours du SS. Il en était ainsi tous les soirs depuis notre arrivée à Porta [Kommando de Neuengamme]. Nous étions alignés sur cinq au centre de la salle. Georg, le Lagerältester, se tenait près du SS et les Kapos s'étaient rangés à la droite de notre groupe avec les Vorarbeiter, les Stubendienst et l'infir­mier. L'infirmier arrivait toujours bon dernier et très non­chalamment. Après les commandements d'usage, nous nous tenions immobiles et silencieux. Le SS nous avait comptés et maintenant il allait parler. Il appela les inter­prètes qui se rangèrent près de lui, chapeau bas, très res­pectueusement.

— Écoutez, dit-il. Vous devez travailler mieux que vous ne faites. Plus vite et mieux.

Il s'arrêta et chacun des interprètes répéta en russe, en polonais, en français. Ils répétaient en criant très fort comme si nous avions été beaucoup plus nombreux et dehors avec de grandes difficultés pour se faire en­tendre.

— D'accord, reprit le SS, les Kommandos, le matin, doivent se grouper plus vite. Si vous ne le faites pas, je vous ferai lever une heure plus tôt, et le soir, après le travail, vos Kapos vous feront faire l'exercice jusqu'à ce que tout marche bien.

Les interprètes répétèrent.

— Compris ? dit le SS.

Et tous les hommes hurlèrent en chœur : Compris !

— Maintenant, lorsque vous traversez la ville pour vous rendre aux chantiers, votre tenue doit être correcte. Vous devez marcher au pas et bien alignés. Il est formellement interdit de ramasser des mégots. Je tiens à ce que ce camp nous fasse honneur. Compris ?

Et le chœur hurla, unanime:

— Compris !

— Vos vêtements doivent êtres propres. Il est interdit de relever les cols. Il est interdit de porter des étoffes ou des chiffons autour du cou. Tous ceux que je pren­drai à faire autrement recevront vingt-cinq coups sur le cul et ils ne toucheront pas de cigarettes. Compris ?

— Sur le chantier, vous ne devez pas changer de Kommando. Les Vorarbeiter prendront les numéros de ceux qui changeront d'équipe. Ils recevront vingt-cinq coups sur le cul. Vous ne devez pas quitter votre place sans autorisation. Ceux qui seront pris ailleurs qu'à leur travail recevront vingt-cinq coups sur le cul. Si c'est néces­saire, nous les priverons de nourriture le temps qu'il fau­dra. Vous devez travailler exactement suivant les consignes de vos Kapos, des Vorarbeiter et des Meister. Toute autre attitude sera considérée par nous comme un acte de sabotage.

Le SS s'arrêta un moment et fixa en silence notre groupe.

— Vous savez ce que cela veut dire, être accusé de sabo­tage?

— Oui, hurlèrent les hommes.

— C'est la corde, dit le SS. Nous serons impitoyables. Nous serons justes, mais impitoyables. Vous devez honorer votre travail. Vous devez vous en montrer dignes. Vous ne devez pas avoir une attitude de lâche devant votre travail. Nous prendrons en considération toutes les demandes qui seront justes. Le camp ici est en construction. Tout va s'améliorer. Mais, avant toute chose, vous devez être dignes de l'honneur de votre tra­vail. Compris ?

— Compris !

— Il s'est passé quelque chose de très grave aujourd'hui. Un homme a frappé son Vorarbeiter. Il est arrêté. Si jamais l'un d'entre vous recommence, il sera pendu et tout le camp sera puni. Je vous ferai mettre nus. Je vous ferai courir nus pendant des heures et malheur à ceux qui s'arrêteront. Je vous ferai coucher toute la nuit nus sur le sol et le lendemain il faudra travailler, et dur. Vos chefs ont des ordres. Ils les appliquent. Vous devez obéir à vos chefs. Si quelque chose ne va pas, venez me trouver. Compris ?

—  Compris !

— Il est absolument interdit de prendre une couver­ture et de s'en envelopper le buste pour aller au travail. Celui qui sera pris avec une couverture sur lui recevra trente coups sur le cul. Si la couverture est déchirée, il sera pendu. Compris ?

— Compris !

— Le SS s'arrêta. Il dit quelques mots au Lagerältester, qui tira une liste de sa poche et appela trois numéros. Deux Russes et un Polonais s'avancèrent. Le SS se tourna vers l'interprète russe :

— Demande-leur pourquoi ils ont pris des couvertures.

Couillons, le Blockführer vous demande d'expliquer votre connerie.

— Ne déconne pas. Il sait bien. Qu'est-ce que tu veux qu'on foute avec cette saloperie de veste ? Il fait froid et puis on a rien dans l'estomac.

— Ils ne savaient pas, dit l'interprète.

— Têtes de cochon, dit le SS. Sales têtes de cochon !

Et par deux fois il les gifla à toute volée.

—  Et toi, tu ne savais pas non plus qu'il était interdit de ramasser des mégots, hein, idiot ?

Sous le coup de poing, le Polonais recula de deux pas. Le Blockführer fit un signe et les Stubendienst s'empa­rèrent des trois hommes et les conduisirent dans une petite pièce à part. C'était une des premières pièces construites depuis notre arrivée. Le SS les suivit et tout de suite les cris montèrent comme des supplications. Les hommes recevaient le fouet.

Nous, on pivota sur la droite pour aller prendre notre pain et le café.

 

 

Extrait de David Rousset, Les jours de notre mort, Editions du Pavois, 1947

(Hachette Littératures, 1993, pages 162-165)

 

 

 

 

 

 

 

« IL FAUT QUE JE VIVE »

 

J'avais supposé que le camp de concentration était une manière de punition par l'isolement, par la privation de la liberté, par un dur travail, par une vie misérable. N'ai-je pas connu la prison ? Et pourtant le camp de concentration allemand, c'est autre chose, c'est le lieu d'une mort lente et inévitable. Ce qui m'y avait paru d'abord négligence était au fond de la perversité. Ce qui donnait l'impression d'un désordre était prémédité, ce qui semblait ignorance était du raffinement. On avait mis dans l'organisation d'un camp de concentration tout le grand talent de l'exactitude allemande, toute la culture dégénérée de l'esprit germanique, toute la brutalité absolue de l'hitlérisme. Il n'y avait là rien d'accidentel, tout était conscient, tout poursuivait un but. Enfin, je l'ai découvert, je l'ai saisi, je l'ai compris ! J'ai compris la vraie signification du camp : il s'agissait d'y faire systématiquement crever les gens.

Jusqu'à ce moment, les coups qui tombaient sur nous l'un après l'autre, la perte d'êtres les plus proches semblaient nous empêcher de comprendre le sens de notre lutte. Il nous était toujours plus difficile de nous maintenir, de nous élever, de regarder droit devant nous. Mais, à partir du moment où j'avais compris l'idée directrice des bandits allemands, ce fut comme si je m'étais éveillée d'un songe. Alors, périr c'était accomplir les intentions de l'ennemi, réaliser ses plans ? Non ! Pas cela !

[...] Il faut que je vive, il faut que je tende toutes mes forces pour ne pas crever malgré tout. Et si même je meurs ici, je mourrai comme un être humain, je garderai ma dignité. Je ne crèverai pas comme une bête qui inspire du mépris et du dégoût; je ne deviendrai pas une brute, comme le veut mon ennemi. […]

Abandonner la lutte, cela voulait dire se laisser briser ; capituler, c'était perdre et périr.

 

Extraits de Pelagia Lewinska, Vingt mois à Auschwitz,

Nagel, 1945, pages 70-71

 
 


26/03/2017
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