Les camps d'extermination
-Les camps d’extermination (ou centre de mise à mort): Les camps d'extermination étaient au nombre de six et étaient tous situés sur le territoire de la Pologne de 1939. Ils ont fonctionné de 1941 à 1944. C'étaient des établissements indépendants des camps précédents, et dont la fonction était d'éliminer physiquement le plus grand nombre possible d'êtres humains, de la façon la plus rapide possible. Quatre d'entre eux étaient uniquement des camps d'extermination: Chelmno (Kulmhof), Belzec, Sobibor et Treblinka (on peut dans ce cas à peine parler de camps: c'étaient des terminus ferroviaires où, dès leur arrivée, les déportés étaient conduits directement aux camions à gaz ou aux chambres à gaz pour être tués). Deux autres camps, Auschwitz-Birkenau et Lublin-Maïdanek, ont été des camps mixtes: d'abord camps de concentration, ils ont ensuite été aménagés, pour une large part, en camp d'extermination avec des chambres à gaz et des crématoires. La chance de survie est quasi nulle .
Le moyen le plus rapide d'extermination était les chambres à gaz :
C’est lors de la Seconde Guerre Mondiale que les Allemands nazis ont utilisés les chambres à gaz dans les camps d’extermination (centre de mise à mort) comme à Chelmo (Kulmof) qui est le premier centre opérationnel d’extermination. Il y a trois phases pour le gazage des Juifs :
-1940-1941: les victimes étaient enfermées dans des camions dans lesquels était versé les gaz jusqu’à ce que la suffocation tue les victimes. Les handicapés subissent des injections de substances mortelles. Mais cette méthode était trop lente.
-La deuxième phase est la construction et l’utilisation d’une chambre à gaz à Chelmo.
-Pendant la troisième phase, c’est à Auschwitz, Treblinka et d’autres camps de la mort que d'énormes chambres à gaz ont été construites et utilisées.
Le meurtre par utilisation de gaz a été employé à partir de janvier 1940 pour une opération qui s'appelle “Euthanasie” qui est l’extermination des “ vies ne valant pas la peine d’être vécues ”, surtout pour les handicapés.
Décembre 1941: utilisation des camions à gaz fixes,
Début 1942: construction de chambres à gaz ou transformation de bâtiments dans le même but.
Les femmes, les enfants et les vieillards étaient exterminés presque de suite après leur arrivé au camp. Les enfants, ne sachant pas ce qui les attendait, se rendaient calmement vers les chambres à gaz. Ils s’y rendaient avec un mensonge dans la tête: prendre une douche. D’après le témoignage du Dr Nyilzi, quand les personnes étaient entrées dans la chambre à gaz, cela ne prenait que quelques minutes pour que les cris des victimes soient cessés. Le résultat donnait un tas de cadavre avec les enfants tout en dessous car les plus “forts” étaient montés sur eux en espérant vivre plus longtemps . A Auschwitz, les chambres à gaz étaient dans le même bâtiment que les salles de déshabillage et les salles des fours. Certaines chambres à gaz qui se trouvaient juste à côté du camp d’Auschwitz étaient en fait des chaumières de paysans polonais qui en ont été expropriés.
Comme on peut le voir sur la carte , tout les camps d'extermination ne possèdaient pas de chambres à gaz , faute de moyens .
Les médecins de la mort :
Parfois , certains détenus n'étaient pas directement amenés au chambre à gaz , ils servaint de cobayes :
Les détenteurs du pouvoir sous le III° Reich avaient offert aux médecins une perspective extraordinairement attirante, unique jusqu’alors dans le monde: au lieu de cobayes, de rats et de lapins, ils ont pu, pour la première fois, utiliser massivement des êtres humains à des fins expérimentales. La médecine sous le nazisme, c’était la sélection de ceux que l’on a définis comme inutilisables. La visite médicale, au camp d'extermination , c’est la sélection avant le départ pour la chambre à gaz. Les victimes des crimes de la médecine ont été des détenus des camps, des prisonniers de guerre, mais avant tout des Juifs et encore des Juifs. Ceux qui ont planifié, agi, leurs complices actifs ou passifs, constituaient l’élite du corps médical. Voilà pourquoi l’on n’a pas éprouvé le besoin d’explorer dans ses moindres recoins ce vaste champ historique. Jusqu’à ce jour, la médecine sous le nazisme ne se distingue de la médecine d’avant et d’après que sur un point : les chercheurs pouvaient faire tout ce qu’ils voulaient.
La médecine joua un rôle décisif dans l’élaboration du programme d’extermination massive connue sous le nom d’”Euthanasie”. Les patients, dont on diagnostiquait qu’ils étaient indésirables, furent désignés pour être tués. Le premier commandant du camp de la mort de Treblinka fut un médecin spécialiste de l’euthanasie, le docteur Irmfried Eberl.
Rares furent les médecins ayant participé au programme d’euthanasie qui furent emprisonnés pour leurs crimes. La plupart continuèrent d’exercer avec la bénédiction de l’ordre des médecins.
Hommes , femmes et particulièrement enfants étaient utilisés pour les expériences , notamment les jumeaux . Ils n'étaient plus considérés comme humains et n'étaient devenus que des cobayes , se faisant torturés au bon gré du Docteur .
Les commandos des fours crématoires:
Bien que les chances de survie soient très mince dans les camps d’extermination, il était possible de survivre en intégrant les commandos des fours crématoires, les Sonderkommandos (SK) qui signifient "kommando spécial" . Les membres de ces SK étaient pour la plupart “Juifs”. On pouvait également y trouver des russes ou d’autres nationalités, en fonction du nombre de déportés, voués à l’extermination dans certains pays. Ces membres étaient choisi par sélection, soit sur la rampe à leur arrivé ou soit dans une seconde sélection, après quelques semaines de quarantaine. A partir de là, ils étaient isolés de tous les autres prisonniers en tant que “Geheimnisträger” (porteurs de secret) et même isolés de la plus grande partie des SS. Certains SS étaient affectés aux crématoires, mais ces zones n’étaient pas accessibles aux autres SS. Les personnes blessés ou malades, parmi les membres des SK, n’allaient pas au HKB, c’était une “équipe si strictement isolée, que ces malades ne pouvaient être admis à l’hôpital” écrit H.Langbein. Les SK changaient rarement de crématoires, ils étaient également sous le commandement du même Kapo et du même SS. Le travail des SK consistait à assister les personnes dans la chambre de déshabillage et à enlever leurs affaires avant qu'ils n'entrent dans la chambre à gaz. Ils sortaient ensuite les corps des chambres à gaz et les amenaient jusqu’aux lieux de crémation (fours ou fosses extérieures) . Ils arrachaient ensuite les dents en or des cadavres (les dentistes étaient choisis lors des sélections) et les dépouillaient de tous les bijoux, coupaient les cheveux (avec lesquels était notamment fabriqué du tissu) puis brûlaient les corps dans les fours ou les bûchers à l’air libre.
Il est important de préciser que les membres des SK ne menaient jamais les victimes depuis les trains jusqu’aux chambres à gaz. C’était impérativement l’équipe de SS qui s’en chargeait. Lorsque les futures victimes n’ignoraient pas le sort qui leur était réservé, c’était alors un déchaînement de violence dont tous les survivants témoignent avec épouvante. De même, les membres des SK ne procédaient jamais à l'introduction des cristaux de Zyklon B (pesticide à base d'acide) dans les chambres à gaz, cette action était menée par des SS sous contrôle d'un médecin, qui donnait également l'ordre de réouverture des chambres à gaz après le gazage. Les membres des Sonderkommandos ne tenaient pas non plus le discours qui avait lieu le plus souvent: «avant de rejoindre une équipe de travail, vous allez prendre un bain désinfectant, puis on vous servira une soupe…» destiné à ce que le groupe soit rassuré donc aussi calme que possible, ce qui permettait également la rapidité relative de ces meurtres de masse. Parfois le groupe suivant de victimes juives attendait déjà son tour. Ce douloureux moment dans la salle de déshabillage est important pour diverses raisons. Les membres des SK y étaient parfois en compagnie des futures victimes et pouvaient donc communiquer avec elles. La situation leur était rendue plus intolérable encore lorsqu'ils reconnaissaient des parents, des amis… Les SS annoncaient alors qu’il fallait ranger ses affaires avec soin et retenir le numéro de leur emplacement, afin de les retrouver à la sortie (des bancs et patères numérotés furent installés). Ils pouvaient aller jusqu’à détailler («attachez vos chaussures ensemble par les lacets» par exemple) ce qui n'avait en réalité pour but que de permettre de faciliter la récupération et le stockage de tous les biens volés aux victimes Juives qui seraient plus tard envoyés vers le Reich. Les membres des Sonderkommandos se trouvaient donc en position d’être obligés de se prêter au jeu . Il est arrivé bien entendu que certains annoncent ce qui allait réellement se passer lorsqu’on les suppliait de le faire. Dans ces cas (qui se sont produits à plusieurs reprises), le responsable SS réunissait l’équipe devant l’un des fours et y brûlait vif le membre du SK qui avait parlé (après avoir éventuellement torturé la personne à laquelle il avait annoncé son sort, afin qu’elle avoue qu’il lui avait parlé). En fait, d’après leurs témoignages, il semble que les membres des SK aient généralement convenu que, d’annoncer la réalité de ce qui était en train de se produire, à leurs semblables n’avait aucun sens, puisque plus rien ne pouvait être fait pour l’éviter. Parler devenait alors infliger une souffrance supplémentaire qui n’avait pas de sens. Ainsi les membres des Sonderkommandos avaient-ils eux aussi des raisons de penser qu’il était préférable que tout aille aussi vite que possible, puisque aucun espoir n’était permis . Le nombre de personnes ayant fait partie des SK à Auschwitz ne peut être connu avec certitude. On estime qu’il est supérieur à 2000.
Les membres des SK étaient régulièrement tués puis renouvelés afin d’éviter les témoins et les fuites d’informations . A Auschwitz , lors de l’évacuation du camp le 18 Janvier 1945 , il restait moins de 100 survivants des SK .
Quelques précisions:
-On effectuait parfois dans certains camps de concentration des gazages ponctuels notamment à Mauthausen, Stutthof…
-En 1944-1945, lors de la défaite allemande, un certain nombre de détenus des camps d’extermination ont été évacués et regroupés vers les camps de concentration situé sur le territoire du Reich, c’est là que les survivants ont été libérés par les alliés.
Quelques photos :
Les "Lapins" de Ravensbrück
Sélection à l'arrivée à Auschwitz
Témoignages :
D’août 1942 à août 1943, des expériences médicales sont pratiquées sur des jeunes filles polonaises par un chirurgien SS du camp de Ravensbrück. Les détenues les désignent sous le nom de Kaninchen (« Lapins »). Les séquelles des opérations sont importantes. Certaines jeunes files décèdent, d’autres sont exécutées. Les survivantes sont persuadées qu’elles seront assassinées avant la libération1.
Je me souviens de mon angoisse à leur sujet lorsque, le 18 janvier 1945, eut lieu pour la première fois un appel général pendant les heures de travail. Pendant cet appel, les six ou sept « Lapins » qui ne pouvaient pas marcher furent cachées dans les Blocks des contagieuses (Blocks 6, 7,10 et 11), où les infirmières SS ne mettaient pas les pieds mais où, quelques jours plus tard, le Dr SS Winkelmann vint choisir de pleins camions de victimes pour la chambre à gaz.
Le mois suivant, le 4 février 1945, pendant l'appel du matin, le même ordre fut lu devant les prisonnières du Block NN (qui, à cette date, n'était plus le Block 32 mais le Block 24) : « Les " Lapins " ne devaient pas quitter le Block... »
Cet ordre était déjà connu des intéressées, grâce à Grete Buber-Neumann, qui tenait l'information d'une Polonaise d'origine allemande travaillant depuis plusieurs années à la cuisine des SS. Cette dernière parlait souvent avec Binz, et c'est Binz elle-même qui l'avait informée. Dès qu'elle avait connu l'existence de cet ordre, elle avait prévenu Grete.
Voici ce dont se souvenait Nina Iwanska (récit recueilli en 1948) relativement à ce 4 février 1945 :
« Cette nuit-là, six femmes (une Belge, deux Norvégiennes, deux Françaises et une Polonaise) proposèrent aux jeunes opérées de changer de numéro avec elles et de se faire fusiller à leur place. Il n'y avait en effet pas de doute qu'il s'agissait d'une exécution massive en perspective. Nos camarades russes de l'Armée rouge, habitant le même Block, travaillant comme monteurs, décidèrent de couper l'électricité dans le camp pour tenter de retarder l'appel du matin, et l'appel ne put avoir lieu à cause de l'obscurité. Cependant, le Block 24 était encerclé par des Aufseherinnen et des policières. Dès l'arrivée du jour, tout le camp était au courant du danger que couraient les « Lapins ». Une colonne de Verfiügbaren (chef : Skalska), se trouvant à proximité du Block 24, et la colonne des bidons de café (50 Russes, chef : Dola) se sont ruées sur les habitantes du Block 24, rangées pour l'appel, afin de semer le désordre et de permettre aux « Lapins » de se sauver. Grâce à cela et ensuite grâce à la collaboration de toutes les Blockovas, les « Lapins » furent cachées très vite, sauf Jadwiga Kaminska et Zofia Baj, qui allèrent à la Kommandantur afin de discuter avec Binz et Schwarzhuber. Ces derniers ont alors prétendu qu'il s'agissait de mettre les « Lapins » à l'abri en cas d'« évacuation du camp » - mais Schwarzhuber eut la maladresse de parler d'une évacuation vers Gross-Rosen, dont on savait déjà qu'il était occupé par l'Armée rouge.
Les autorités du camp essayèrent encore à plusieurs reprises d'influencer Kaminska et Baj pour qu'elles nous persuadent de nous rendre, mais, bien que nous ayons tremblé pour leur propre vie, nous avons décidé de ne pas céder, car en même temps nous vivions de l'espoir qu'ayant tout le camp avec nous Kaminska et Baj nous reviendraient saines et sauves après chaque discussion avec Binz, Suhren, etc.
Entre-temps, avec l'aide de toutes les Blockovas et des employées du Politische Abteilung, nous nous sommes débarrassées de nos anciens numéros 7000, ayant obtenu ceux de nos camarades mortes (venant d'Auschwitz pour la plupart). Mais, même «protégées» ainsi, ce jeu de cache-cache devenait de plus en plus dangereux, pas seulement pour nous-mêmes, mais pour tout le monde. Nous avons donc décidé que dix-huit d'entre nous partiraient avec des transports différents pour pouvoir faciliter le problème quotidien de cacher à Ravensbrück celles qui ne pouvaient pas encore marcher. Je suis partie avec un groupe de dix à Neustadt-Glewe, dans une fabrique de munitions, d'où j'ai pris le large vers la liberté... qui a tant tardé à venir vers moi ! »
A quatre reprises, jusqu'à la Libération, les SS organisèrent des appels-surprise pour retrouver les « Lapins ». A la dernière minute, des camarades d'autres Blocks allaient « poser » à leur place. Denise Vernay fut l'une d'elles. Tout le camp connaissait le drame des « Lapins ». Elles n'ont jamais été dénoncées.
Extrait de Germaine Tillion, Ravensbrück,
Le Seuil, 1988, pages 160-162.
1 Les « Lapins » font passer des informations sur leur sort à leur famille en leur adressant des courriers autorisés contenant des messages clandestins écrits à l’encre sympathique. Elles parviennent à faire cacher à l’extérieur du camp des rapports contenant la liste des opérées et le récit de leurs mutilations. Un des rapports est retrouvé après la libération.
L’ACCOUTUMANCE DES MEMBRES DU SONDERKOMMANDO DE BIRKENAU
[Zalmen Lowental est déporté à Auschwitz en décembre 1942 et est affecté au début 1943 au Sonderkommando du Krematorium III de Birkenau. Avant sa mort en novembre 1944, il rédige un manuscrit, enfoui dans un récipient métallique à proximité du Krematorium III. Retrouvé en très mauvais état, il présente de nombreuses lacunes (remplacées par [--] ou par ???).]
30.
Malheur, tel était le sentiment de chacun de nous. Telle était la pensée de chacun de nous tous. Nous avions mutuellement honte de nous regarder droit dans les yeux, des yeux gonflés de douleur et de honte de pleurer ; pour se lamenter, chacun se fourrait dans un coin différent afin qu'aucun de ses proches ne le trouve [--] J'avoue que moi-même [--] que mon père était aussi [--]. À mon approche, qu'il ne voie pas [--] savais que quand nous nous [--], nos cœurs allaient [--] de douleur [--] cela a effectivement été lors de [--] camp quand j'ai aperçu le [--], m'a demandé où étaient ses sœurs, ses frères, [sa femme et ses enfants, ses parents], où étaient-ils tous maintenant ? [--]
31.
[On manquait] d'audace pour mettre fin à ses jours [--] Personne ne l'a fait à l’époque. Pourquoi ? [--] pas. Cela demeure une question à laquelle [il est présentement difficile de répondre]. Toutefois, un peu plus tard, après avoir repris nos esprits, il s'est trouvé de nombreux hommes qui à la première occasion, comme par exemple tomber malade ou simplement affronter une situation extérieure plus ou moins [déstabilisante], ont aussitôt mis fin à leurs jours [--] Dehors, au camp, il était [parmi les] centaines qui ont [--] été fusillés [--]. Cela reste une question [--] Il est vrai que la vie [--] la volonté de vivre [--] présentée, n'a jamais été évaluable ni évaluée [--], tout simplement chez nous [--].
32.
Les psychologues [disent ?] que l'homme, quand il s'estime complètement perdu, sans aucune chance et sans aucun espoir, devient incapable de rien faire, fût-ce la moindre chose, il est déjà comme un homme mort. Car l'homme est capable, énergique et prêt au risque aussi longtemps qu'il pense, par sa démarche hardie, atteindre et obtenir quelque chose. En revanche, quand il perd toute chance et tout espoir, il n'est plus bon à rien. Il [commence] [à penser ?] au suicide [--] (un sujet pour les psychologues) [--]. Laissé conduire comme des moutons, les plus forts, les plus héroïques [parmi nous] se sont [effondrés] dès l'instant où l'on nous a amenés ici et [--], [tout ?] pris et nous a donné de tels [--] costumes de prisonniers, [nous avons] été humiliés, complètement [--], enveloppés dans un manteau étranger [--] sont encore notre [--] ont été pris [--]
33.
[--] dans l'intelligence qu'il possède mais elles sont, sans distinction, elles-mêmes dominées inconsciemment par la volonté spirituelle de vivre, par l'aspiration à vivre et à survivre. Comme si tu te persuadais que tu ne te soucies pas de ta propre vie, de ta propre personne, mais uniquement de l'intérêt de la collectivité pour la survie, pour telle ou telle raison, dans tel ou tel but, on trouve des centaines de prétextes. Mais la vérité, c'est qu'on a envie de vivre à tout prix. On a envie de vivre parce qu'on vit, parce que le monde entier vit et tout ce qui est agréable, tout ce qui est lié à quelque chose est en premier lieu lié à la vie. Sans la vie, c'est [--]. C'est la pure vérité. Soyons clair et net si quelqu'un vous demande : « Pourquoi as-tu [--] », je lui répondrai [--] : « C'est [--] » Qu'il constate : je suis moi-même trop faible, je suis tombé sous la pression de la volonté de vivre ; afin de pouvoir évaluer correctement [--] vouloir vivre, mais non [--] il s'agit [--]
34.
[--] Pourquoi fais-tu un travail [aussi] peu convenable, comment vis-tu, pourquoi vis- tu, quel est ton but pour vouloir vivre encore ? [--] C'est cela qui constitue le point très faible de [--] notre Kommando que je n'ai absolument pas l'intention de défendre dans son ensemble, en tant qu'entité. Je dois ici dire la vérité : plus d'un s'est à tel point, avec le temps, laissé aller, c'en était une honte pour soi-même. Ils avaient simplement oublié ce qu'ils faisaient et ce à quoi ils s'appliquaient et avec le [temps, ils s'y étaient si] accoutumés qu'on en venait à s'étonner [--] à pleurer, à se lamenter de ce que [--] mais ce sont des ??? tout à fait normaux, moyens, [--] ordinaires, très modestes [--], sans le vouloir, cela devient banal et l'on s'habitue à tout et ainsi les événements n'impressionnent plus, on crie, on regarde indifférent périr quotidiennement des dizaines de milliers d'hommes et puis, rien. […]
Extrait de Des voix sous la cendre / Revue d’histoire de la Shoah. Le monde juif,
Centre de documentation juive contemporaine, n° 171, janvier-avril 2001, pages 99-101
Les camps de concentration
-Les camps de concentration, présent depuis 1933 en Allemagne; étaient avant tout des camps où ont été enfermé des Allemands antinazis, des Juifs , des prisonniers de droit commun… Ces individus étaient jugés dangereux et étaient internés provisoirement ou définitivement. Entre 1939 et 1945 le nombre de détenus à considérablement augmenté, on y trouvait à présent de tout: des déportés politiques, des prisonniers de droit commun, des homosexuels, des témoins de Jéhovah… C’étaient des camps de travaux forcés, les terribles conditions d’existence leurs ont valu le nom de “camps de la mort lente”. Les principaux sont : Dachau, Buchenwald, Sachsenausen, Ravensbrück, Mauthausen-Gusen, Stutthof, Neuengamme, Dora - Nordhausen, Flossenburg, Grossrosen, Theresienstadt, Bergen - Belsen, Natzweiler-Struthof.
Dans les camps de concentration, il y avait plusieurs catégories de détenus. On reconnaissait la catégorie du détenu à la couleur du triangle cousu sur sa veste (la nationalité de l’individu y était également affichée):
Politiques: C’étaient avant 1939 des opposants Allemands au régime nazi, principalement communistes, puis des résistants de toute l’Europe.
Asociaux: Était classé comme asocial tout individu “manifestant par son comportement sa volonté de ne pas s’intégrer dans la communauté“.
Apatrides: Ce sont des individus déchus de leur nationalité. (Notamment certains républicains espagnols déchus par Franco).
Une ordonnance du 7 Décembre 1941 va encore faire croître le nombre de détenus. Il s’agit de l’ordonnance “Natcht und Nebel” (Nuit et Brouillard) qui crée le système NN. Ce système avait pour but de faire disparaître les résistants trop gênants, sans qu’ils soient jugés. Un moyen rapide et efficace qui en a fait disparaître plus d’un.
Les statistiques:
-On estime qu' entre septembre 1939 et janvier 1945, 1 650 000 personnes, principalement des hommes mais aussi des femmes et des adolescents, ont été déportés. On ne peut pas trouver le nombre exact, certaines archives des camps de concentration ont été détruites à la fin de la guerre.
-On estime également le nombre de morts à 550 000, soit le tiers environ. Il est fort de constater que le taux de mortalité varie en fonction de la catégorie du détenu. Il est plus élevé chez les politiques (soit les résistants) et atteint les 60% pour les homosexuels.
Le processus de déshumanisation
-Le déshabillage : A son arrivée le détenu était déshabillé et humilié , il perdait également tout ses effets personnels .
-La douche : Cette douche n'avait pour aucun but de laver les déportés . Toujours nus , ils se lavaient sous une eau glaciale, puis brûlante . Ils sortaient ensuite de la douche sans pouvoir se sécher ni boire .
-La tonte : L'humiliation ne devient que plus grande lorsque les déportés sont rasés de la tête aux pieds , aussi bien les hommes que les femmes . Le travail est effectué sans aucun soin, ni délicatesse et la tondeuse blesse leurs chairs .
On effectuait parfois "la désinfection au crésyl" . On les badigeonnait d'une matière noire censée tuer les microbes et prévenir les maladies . Ce crésyl avait pour effet d'irriter et de brûler la peau et infectait également les plaies .
Il peut y avoir aussi un « examen », sorte de fouille dissimulée sous le prétexte médical. Les déportés sont alors manipulés en tout points, la moindre partie de leur corps est inspectée, ils sont touchés dans leur intimité .
-L'uniforme : Les déportés reçoivent ensuite un uniforme composé d'une chemise , d'un pantalon , d'un calot et des galoches . Ils n'avaient pas de sous-vêtements ni de quoi se protéger du froid . Ils portaient tous la même tenue et la taille importe peu . Les nazis jetaient littéralement les uniformes à la figure des déportés . Il était interdit d'apporter toute modification à la tenue afin qu'elle soit plus confortable .
-L'enregistrement : Les déportés sont ensuite immatriculés . Le détenu perdait son identité , on la remplaçait par un numéro qu'on cousait sur l'uniforme ou qu'on tatouait même sur la peau des détenus à Auschwitz .
- La quarantaine. Par la suite, les déportés sont placés en quarantaine, officiellement pour limiter le risque de maladies amenées par les nouveaux arrivants, en réalité pour dresser les déportés. Pendant un temps variable, toujours plusieurs semaines, ces déportés ne travaillent pas, sauf pour quelques corvées . Ils ne sont quasiment pas nourris. Immédiatement, la promiscuité, la terreur, les coups quotidiens font des victimes, chaque jour. C’est là que les déportés « découvrent » l’absence d’hygiène, l’arbitraire permanent, qui deviennent leur quotidien. Quand ce dressage est considéré comme fini, les déportés reçoivent leur affectation à un kommando* de travail.
A noté que selon les camps et les circonstances , l'ordre de ces étapes peut varier .
Ces étapes ne sont que le début . Durant le reste de leur captivité dans les camps de concentration , les détenus vont subir une violence quotidienne et cruelle . Ils ne deviendront plus que des objets et des machines , travaillant sans s'arrêter et subissant les pulsations meurtrières de certains individus .
S'ajoute ensuite à tout ça les conditions de vie déplorables : famine , fatigue permanente , l'absence des soins et de l'hygiène .
Exemple : Le poids moyen des femmes françaises à la libération du camp de Ravensbrück était de 34 kilos .
Un peu de Vocabulaire
*Kommando : Ce sont des camps qui dépendent d’un camp principal, et qui sont construits en fonction des besoins économiques ou industriels. C’est là que les déportés, après leur arrivée dans le camp principal, sont affectés au travail dans des usines en fonction des besoins exprimés par les industriels allemands.
La schlague : Le fouet utilisé par les Kapos.
Le Lageraltester : Le doyen du camp. Il dirige l’administration détenue, sous l’autorité des SS.
Kapos : Détenus de droits communs Allemands
Quelques photos :
Détenus attelés
Atelier au camp de Ravensbrück
Détenus de Bremen-Farge
Témoignages :
« COMPRIS ? »
Nous étions bien alignés avec nos gamelles à la main, mais, avant de passer à la distribution, nous devions subir un discours du SS. Il en était ainsi tous les soirs depuis notre arrivée à Porta [Kommando de Neuengamme]. Nous étions alignés sur cinq au centre de la salle. Georg, le Lagerältester, se tenait près du SS et les Kapos s'étaient rangés à la droite de notre groupe avec les Vorarbeiter, les Stubendienst et l'infirmier. L'infirmier arrivait toujours bon dernier et très nonchalamment. Après les commandements d'usage, nous nous tenions immobiles et silencieux. Le SS nous avait comptés et maintenant il allait parler. Il appela les interprètes qui se rangèrent près de lui, chapeau bas, très respectueusement.
— Écoutez, dit-il. Vous devez travailler mieux que vous ne faites. Plus vite et mieux.
Il s'arrêta et chacun des interprètes répéta en russe, en polonais, en français. Ils répétaient en criant très fort comme si nous avions été beaucoup plus nombreux et dehors avec de grandes difficultés pour se faire entendre.
— D'accord, reprit le SS, les Kommandos, le matin, doivent se grouper plus vite. Si vous ne le faites pas, je vous ferai lever une heure plus tôt, et le soir, après le travail, vos Kapos vous feront faire l'exercice jusqu'à ce que tout marche bien.
Les interprètes répétèrent.
— Compris ? dit le SS.
Et tous les hommes hurlèrent en chœur : Compris !
— Maintenant, lorsque vous traversez la ville pour vous rendre aux chantiers, votre tenue doit être correcte. Vous devez marcher au pas et bien alignés. Il est formellement interdit de ramasser des mégots. Je tiens à ce que ce camp nous fasse honneur. Compris ?
Et le chœur hurla, unanime:
— Compris !
— Vos vêtements doivent êtres propres. Il est interdit de relever les cols. Il est interdit de porter des étoffes ou des chiffons autour du cou. Tous ceux que je prendrai à faire autrement recevront vingt-cinq coups sur le cul et ils ne toucheront pas de cigarettes. Compris ?
— Sur le chantier, vous ne devez pas changer de Kommando. Les Vorarbeiter prendront les numéros de ceux qui changeront d'équipe. Ils recevront vingt-cinq coups sur le cul. Vous ne devez pas quitter votre place sans autorisation. Ceux qui seront pris ailleurs qu'à leur travail recevront vingt-cinq coups sur le cul. Si c'est nécessaire, nous les priverons de nourriture le temps qu'il faudra. Vous devez travailler exactement suivant les consignes de vos Kapos, des Vorarbeiter et des Meister. Toute autre attitude sera considérée par nous comme un acte de sabotage.
Le SS s'arrêta un moment et fixa en silence notre groupe.
— Vous savez ce que cela veut dire, être accusé de sabotage?
— Oui, hurlèrent les hommes.
— C'est la corde, dit le SS. Nous serons impitoyables. Nous serons justes, mais impitoyables. Vous devez honorer votre travail. Vous devez vous en montrer dignes. Vous ne devez pas avoir une attitude de lâche devant votre travail. Nous prendrons en considération toutes les demandes qui seront justes. Le camp ici est en construction. Tout va s'améliorer. Mais, avant toute chose, vous devez être dignes de l'honneur de votre travail. Compris ?
— Compris !
— Il s'est passé quelque chose de très grave aujourd'hui. Un homme a frappé son Vorarbeiter. Il est arrêté. Si jamais l'un d'entre vous recommence, il sera pendu et tout le camp sera puni. Je vous ferai mettre nus. Je vous ferai courir nus pendant des heures et malheur à ceux qui s'arrêteront. Je vous ferai coucher toute la nuit nus sur le sol et le lendemain il faudra travailler, et dur. Vos chefs ont des ordres. Ils les appliquent. Vous devez obéir à vos chefs. Si quelque chose ne va pas, venez me trouver. Compris ?
— Compris !
— Il est absolument interdit de prendre une couverture et de s'en envelopper le buste pour aller au travail. Celui qui sera pris avec une couverture sur lui recevra trente coups sur le cul. Si la couverture est déchirée, il sera pendu. Compris ?
— Compris !
— Le SS s'arrêta. Il dit quelques mots au Lagerältester, qui tira une liste de sa poche et appela trois numéros. Deux Russes et un Polonais s'avancèrent. Le SS se tourna vers l'interprète russe :
— Demande-leur pourquoi ils ont pris des couvertures.
Couillons, le Blockführer vous demande d'expliquer votre connerie.
— Ne déconne pas. Il sait bien. Qu'est-ce que tu veux qu'on foute avec cette saloperie de veste ? Il fait froid et puis on a rien dans l'estomac.
— Ils ne savaient pas, dit l'interprète.
— Têtes de cochon, dit le SS. Sales têtes de cochon !
Et par deux fois il les gifla à toute volée.
— Et toi, tu ne savais pas non plus qu'il était interdit de ramasser des mégots, hein, idiot ?
Sous le coup de poing, le Polonais recula de deux pas. Le Blockführer fit un signe et les Stubendienst s'emparèrent des trois hommes et les conduisirent dans une petite pièce à part. C'était une des premières pièces construites depuis notre arrivée. Le SS les suivit et tout de suite les cris montèrent comme des supplications. Les hommes recevaient le fouet.
Nous, on pivota sur la droite pour aller prendre notre pain et le café.
Extrait de David Rousset, Les jours de notre mort, Editions du Pavois, 1947
(Hachette Littératures, 1993, pages 162-165)
« IL FAUT QUE JE VIVE »
J'avais supposé que le camp de concentration était une manière de punition par l'isolement, par la privation de la liberté, par un dur travail, par une vie misérable. N'ai-je pas connu la prison ? Et pourtant le camp de concentration allemand, c'est autre chose, c'est le lieu d'une mort lente et inévitable. Ce qui m'y avait paru d'abord négligence était au fond de la perversité. Ce qui donnait l'impression d'un désordre était prémédité, ce qui semblait ignorance était du raffinement. On avait mis dans l'organisation d'un camp de concentration tout le grand talent de l'exactitude allemande, toute la culture dégénérée de l'esprit germanique, toute la brutalité absolue de l'hitlérisme. Il n'y avait là rien d'accidentel, tout était conscient, tout poursuivait un but. Enfin, je l'ai découvert, je l'ai saisi, je l'ai compris ! J'ai compris la vraie signification du camp : il s'agissait d'y faire systématiquement crever les gens.
Jusqu'à ce moment, les coups qui tombaient sur nous l'un après l'autre, la perte d'êtres les plus proches semblaient nous empêcher de comprendre le sens de notre lutte. Il nous était toujours plus difficile de nous maintenir, de nous élever, de regarder droit devant nous. Mais, à partir du moment où j'avais compris l'idée directrice des bandits allemands, ce fut comme si je m'étais éveillée d'un songe. Alors, périr c'était accomplir les intentions de l'ennemi, réaliser ses plans ? Non ! Pas cela !
[...] Il faut que je vive, il faut que je tende toutes mes forces pour ne pas crever malgré tout. Et si même je meurs ici, je mourrai comme un être humain, je garderai ma dignité. Je ne crèverai pas comme une bête qui inspire du mépris et du dégoût; je ne deviendrai pas une brute, comme le veut mon ennemi. […]
Abandonner la lutte, cela voulait dire se laisser briser ; capituler, c'était perdre et périr.
Extraits de Pelagia Lewinska, Vingt mois à Auschwitz,
Nagel, 1945, pages 70-71